Sélectionner une page

La pornographie n’est plus celle des peintures, elle est maintenant sur nos écrans, et ses effets sont aussi puissants que courants. 

L’impact de la pornographie 

Entre dépression, anxiété et incapacité à atteindre l’orgasme avec un partenaire, les effets sont nombreux, mais sont-ils tous aussi négatifs ? 

En France, 72% du trafic de Pornhub en 2021 a été réalisé par des hommes, et 28% par des femmes. 58% du trafic total sont des jeunes âgés de 18 à 34 ans. Dans ce contexte, les jeunes hommes pourraient être plus sujets à des troubles du comportement, à une hypersexualisation et à un dysfonctionnement érectile.

D’après une étude sur les fonctions sexuelles et la pornographie, plus un individu se masturbe devant une vidéo, plus des problèmes de sexualité apparaissent. 44% des hommes qui pratiquent la masturbation devant du porno tous les jours ont des problèmes d’érection, contre seulement 22% pour ceux qui la pratiquent moins de 5 fois par semaine. 

La pornographie a donc un impact sur la vie sexuelle et notamment chez les jeunes. Elle a aussi des répercussions sur le psychisme de l’individu, du fait qu’elle impacterait le trafic neuronal du cerveau, selon une étude sur la structure du cerveau et la pornographie. Comme lorsqu’on tombe amoureux, la pornographie active la partie la plus primitive du cerveau, celle des noyaux centraux gris. 

Partie activée via des vidéos ou des images pornographiques, elle expose l’individu à une forte dose de plaisir. Cette stimulation sexuelle résulte d’une sécrétion de dopamine, aussi appelée l’hormone du plaisir. Sur le long terme, lorsque la pornographie est visionnée excessivement, cette élévation soudaine de la dopamine devient un besoin pour l’individu et son cerveau. 

Valérie Vocom, neuro-psychiatre, a examiné le cerveau d’une personne fortement consommatrice via un IRM, tout en plaçant devant celle-ci des photos érotiques. D’après elle, c’était comme regarder dans le cerveau d’un alcoolique qui a devant lui une publicité pour de l’alcool. 

À l’ère des smartphones, donner sa dose de dopamine à son cerveau, et cela à plusieurs moments dans la semaine, est à portée de main. Pourtant, cela peut rendre les individus insensibles à la dopamine qui provient des sources naturelles, du fait de leur accoutumance. 

C’est pourquoi, faire l’amour avec son partenaire peut offrir moins de plaisir que la masturbation via un film pornographique, et que les individus tentent d’augmenter leur taux de dopamine, en imitant les modèles de comportements qu’ils perçoivent à travers leurs écrans.

Comportements impulsifs

Pornhub, une des plus grosses plateformes de pornographie en ligne, révèle dans ses chiffres de 2018, que les rapports sexuels classiques sont de moins en moins vus, et que les utilisateurs vont dans des catégories de plus en plus extrêmes. 

Le consommateur excessif de pornographie semble alors tomber dans un puits sans fond, et va toujours vouloir trouver quelque chose de plus trash et qui ne correspond pas à la réalité pour combler son appétit sexuel. 

Cela s’explique par un dysfonctionnement du système de récompense. Impactant alors la gestion quotidienne des émotions et des plaisirs. C’est tout le système qui permet la motivation qui est mis à mal avec la pornographie. 

Mathias Pessiglione, rapporte que les individus vont avoir tendance à reproduire les actions qui ont été suivies par une récompense. Dans ce cas, ils ne vont pas forcément préférer des récompenses qui sont objectivement bénéfiques. Il faut simplement qu’elles soient cohérentes avec les actions passées. Cela peut les pousser à prendre des décisions inadaptées et à violer des règles de rationalité. 

Selon une étude sur les comportements impulsifs et l’usage d’Internet, la pornographie prédisposerait même l’individu à agir de façon plus impulsive dans sa vie, et à prendre des mauvaises décisions. Associé avec le besoin de dopamine et à un visionnage fréquent, ce comportement désinhibe les consommateurs d’une certaine moralité. Jusqu’à même reproduire les actions qu’ils ont perçues via la pornographie, habitués à elles et à la récompense qu’ils ont ressentie.

La pornographie a donc des effets néfastes sur les individus qui en visionnent de manière excessive, en agissant négativement sur le système de récompenses. Aussi en cause, le type de pornographie regardé et les comportements qui y sont relayés.  

Cette pornograpahie traditionnelle a aussi un impact sur la manière dont les individus se perçoivent.  L’éducatrice sexuelle, Luma Matats, explique que “ les femmes peuvent se sentir en insécurité par rapport aux corps des femmes dans les pornos hétéros et semblent se comparer – ce qui leur enlève du plaisir”. C’est pourquoi, les femmes se tournent vers le porno gay. 37% des vidéos sur Pornhub Gay sont regardées par des femmes. 

Une alternative : entre érotisme et pornographie

Néanmoins, selon Erik Janssen, docteur et scientifique de l’institut Kinsey, “il y a un grand nombre de gens qui utilisent beaucoup de porno et qui n’ont pas de problème.”

Cela est dû au fait que la pornographie est néfaste à long terme, selon le type et la fréquence à laquelle il est consommé. Au contraire, la consommation de pornographie alternative, entre érotisme et porno, pourrait avoir un impact positif. 

En développant l’imaginaire ou les fantasmes, elle ouvre des portes et permet d’évoluer dans sa sexualité. En couple, elle offre la possibilité de faire grandir l’appétit sexuel, d’exprimer ses envies à son partenaire, et ouvre les individus sur des sujets parfois sensibles, tels que les jeux sexuels.

Dans cette optique, des réalisateurs ont créé des films dont la qualité et le jeu d’acteur semblent aussi bons qu’un film de Xavier Dolan. Noel Alejandro, réalisateur de courts-métrages gays, travaille notamment le son à la perfection et présente des films d’une réalité pertinente. Le réalisateur barcelonais explique dans Kaltblut que son premier film était vraiment quelque chose d’exceptionnelle. 

Tout ce dont je me souviens, c’est que nous avons tous eu le sentiment que quelque chose se passait. C’était presque la première fois que quelqu’un faisait un film explicite sous un contexte mélodramatique. Bien sûr, il y avait d’autres réalisateurs qui ont aussi osé aller plus loin avec ce genre, mais on l’a vraiment senti comme ça. En fait, je pense toujours que le pourcentage de pornos qui changent vraiment quelque chose aujourd’hui ne dépasse pas les 1%.

Noel Alejandro, Kaltblut

Pour les femmes, des modèles plus softs de pornographie sont arrivées. Ils contrent la nocivité de la pornographie habituelle. Voxxx, une plateforme de podcasts sexuels pour les femmes révolutionne le marché. Elle invite à une “masturbation guidée, immersive et inclusive”.

Je supporte de moins en moins le porn vidéo tradi, on entend trop la voix fake des filles et pas assez celle des hommes, alors merci pour ces partages audios, pour cette sensation de réalité et de plaisir.

Adeline, 19 ans, commentaire sur Voxxx

Si la pornographie traditionnelle est omniprésente sur Internet, elle amène avec elle son lot de problèmes. C’est pourquoi, le monde de la pornographie se diversifie, en créant un environnement plus propice à la découverte de soi, aux plaisirs plus inclusifs et en ouvrant les portes de l’imagination.

Malgré cela, les habitudes des consommateurs et notamment celles des jeunes semblent ne pas encore pouvoir trouver refuge dans le porno alternatif. Tous n’y trouvent pas encore leur compte. C’est donc tout un monde qui reste à découvrir et à construire.

2