Sélectionner une page

Avec les fictions cinématographiques et les discours médiatiques comme scientifiques sur le changement climatique, la fin du monde n’a jamais été aussi tangible. Mais quels sont les impacts sur la jeune génération ?

Les jeunes et l’idée de fin du monde

La dystopie est un large sujet. Entre Black Mirror et le cinéma contemporain, ce sujet a pris de plus en plus de place sur nos écrans. Et avec l’arrivée des plateformes de streaming illégales comme légales, ces œuvres sont devenues accessibles en un clic.

Pourtant, depuis le milieu du 20 ème siècle, des auteurs tels que Stückrath et Schottmayer avaient mis en évidence les effets de cette culture sur les enfants.

« Cette accélération artificielle de l’emprise de l’environnement l’adulte sur l’enfant, l’oblige à une sorte de maturité prématurée, marquée par la brutalité, [et] le manque de confiance à l’égard des adultes. »

André Glucksmann, Les effets des scènes de violence au cinéma et à la télévision 

La deuxième guerre mondiale, et les catastrophes d’Hiroshima et Nagasaki, ont aussi eu un impact certain sur les individus et leur rapport à la fin du monde. Selon Günther Anders, philosophe allemand, la bombe atomique a changé et concrétisé cette relation.

Nous pensons maintenant notre existence en termes de délais, comme si elle pouvait se finir à tout moment. Et cela a participé à la culture de la fin du monde, à l’histoire que nous apprenons et aux films que nous visionnons.

Samuel Dock, psychologue pour adolescent, rapporte que tout cela finit par provoquer chez les jeunes des réactions d’angoisse et de détresse.

« Affirmer sans relâche que notre lieu de vie va se porter de plus en plus mal dans les prochaines années finit par contaminer les jeunes générations, qui ne voient aucun encouragement à lutter, ne perçoivent aucun espoir et envisagent alors très sérieusement la réalité d’une fin du monde devant eux. »

Samuel Dock

Et les discours sur le réchauffement climatique amplifient aujourd’hui cette détresse. Une enquête de YouGov a mis en évidence que 51 % des personnes sondées étaient angoissées à l’idée des conséquences du réchauffement climatique. Et ce chiffre augmente jusqu’à 72 %, chez les 18-24 ans.

Plus angoissés, car toujours face à cette idée de fin du monde, les jeunes ont donc une pleine conscience des défis qui sont les leurs. Pourtant, d’après l’anthropologue David Le Breton, ces jeunes sont aussi investis d’une mission.

« Ils doivent se comporter comme les héros de leur vie parce qu’on leur répète que tout est grave, dans la vie comme au cinéma. »

David Le Breton

Réveil des consciences

Avec Marvel, se comporter en héros semble signifier combattre pour la victoire du bien sur le mal. Pourtant, c’est plutôt la figure du Joker qui représenterait le mieux ce héros interne, qui permettrait aux jeunes d’agir face à cette angoisse de fin du monde.

Les bombes atomiques, le réchauffement climatique, l’information, la crise sanitaire associée à la réalité des conditions de vie, semblent avoir poussé la jeune génération à agir.

En fait, les individus confrontés en permanence à cette idée de fin du monde sont en situation de crise. À la manière du Joker, ils souhaitent remettre en cause le système en entier, et cela se traduit par un besoin de changer d’environnement.

Avec la pandémie et la politique des nombreux confinements, les conditions de vie des Françaises ont été mises en lumière. Santé Publique France remarque après plusieurs enquêtes, que les troubles du sommeil ont augmenté en même temps que l’anxiété et la dépression.

Pourtant, au niveau du travail, avant même la crise du Covid-19, un sondage Ipsos mettait en évidence que 57% des sondés déclaraient ressentir des émotions négatives au travail. 56% des moments intenses de fatigue, et 54% des problèmes de santé. Encore plus marquant, près de la moitié ont déclaré avoir des troubles du sommeil, et un tiers des troubles alimentaires. Et le meilleur pour la fin, près d’un tiers des sondés a affirmé souffrir d’au moins 4 de ces problèmes en même temps…

Tout cet environnement a permis à certains Français et à la jeune génération de passer à l’action. Et cela est encore plus vrai pour les jeunes diplômés qui cherchent du travail ou commencent leur carrière.

La sociologue Cécile Van de Velde, remarque que la question est d’ordre éthique. En effet, d’après elle, c’est une question qui touche les valeurs. « S’ajuster au marché du travail d’accord, mais jusqu’à où ? ». Les jeunes qui viennent d’avoir leur diplôme, renoncent à certaines valeurs pour s’insérer sur le marché du travail, mais en eux, ils « portent une critique radicale du système ».

C’est la raison pour laquelle certains jeunes veulent changer de vie, ou du moins de chemin. Monter son entreprise, quitter le marché du travail, deviennent la norme. S’il faut pouvoir se sentir en sécurité pour franchir ce pas, cette nouvelle tendance révèle un grand changement social. Pour elle, c’est « un acte de résistance politique ».

Le Joker est un individu qui est face à une société qui fait semblant d’aider les autres, et qui remet radicalement en question le sens de ce système. Si le film de Todd Phillips représente l’arrivée au cinéma d’un nouveau type de héros, il révèle aussi celle d’un nouveau besoin, celui d’avoir de nouvelles figures héroïques plus compatibles avec la réalité.

Ce nouveau héros remplit cette tâche. Il est la figure de celui qui se soulève malgré l’aversion qu’éprouve la société envers lui.  Et la jeune génération angoissée par la fin du monde, semble se confronter au même sentiment. C’est pourquoi la « génération fin du monde » se sent investie d’une mission, celle d’un renouveau de la société.

2